samedi 20 janvier 2007

Venin

-Tu te rends compte des fois de ce que tu dis? Jamais rien entendu d'aussi égoïste, tu devrais avoir honte de dire des conneries pareilles!
Leur réaction face à mon aveu: j'aimerais tellement être condamnée, "il ne vous reste plus que quelques..."
-Non mais tu sais combien ne peuvent même pas s'offrir l'indécence de rêver de ta condition?
Ouais, et alors? Tout m'est servi sur un plateau pour faire quelque chose de ma vie, c'est bien ça? Ben allez-y! Faites-le, vous! Si évident à vos yeux que j'en ferai quelque chose, et de bien en plus, vous n'aurez pas de mal à en faire autant. Je vous ai fait un bon départ en plus. Facile maintenant que j'ai lancé le train, bien vérifié le parallélisme des rails, arrangé les problèmes de frottement, tout bien fait dans les règles, toujours ficelée aux règles d'ailleurs. Tellement bouffé des règles qu'on a jamais eu à me dire "redresse-toi", trop bien dressée, bien sage la fille... et aussi bien remontée, mais ça... avec vous, elle a appris à se la fermer. Sois sage, et tais-toi, c'est bien connu, ça va de paire, inséparables!
C'est vrai que vous voulez ma vie? Même plus la peine de rêver de me la prendre, je vous la donne. Répartissez-vous mes années, disputez-vous pour elles surtout, elles sont si précieuses... Laissez m'en juste une, histoire de me délecter à la gâcher sous vos yeux, ma sale petite vengeance de folle égoïste, un plat qui se mange froid, il est temps, je suis bien refroidie maintenant. Quant à ceux qui l'avaient déjà louée, à distance, même plus la peine de vous déplacer, visitez une dernière fois, il y a quelques dégradations (c'est que... j'y ai quand même un peu vécu), ça vous dérange? Je m'en tape, vous avez déjà signé de toute façon, installez-vous, à vie bien sûr. Ne soyez pas surpris des objets manquants, ils sont la simple conséquence de votre égoïsme, le seul bien que nous ayons finalement réussi à partager. Vous avez prélevé chez moi tout ce dont vous aviez besoin, sans vous inquiéter de ce qui pourrait me manquer, en vrais pilleurs de ma tombe -à croire que mes reliques valaient quelque chose...-. A présent, c'est moi qui régale, je vous offre ma place, la place du mort pour vous y enterrer, et légalement de surcroît.
-On t'a donné la vie.
Et avec ça "on" est fier! Je vous la rends, j'aime pas les cadeaux, vont bien de paire avec les anniversaires ceux-là. Un cadeau pour une année de passée, une récompense en somme, la prime de fin d'année. Ces années-cadeau ou cadeaux pour l'année: leur investissement, à haut taux d'intérêt... Faut pas croire, toujours les mêmes qui donnent, et eux... eux, ils prêtent! C'est l'heure de rembourser le tout, d'un seul coup, ma ruine de l'espoir, l'espoir fait vivre on dit, et moi je vis dans une ruine, la boucle est bouclée.
J'ai fait un rêve: je n'étais pas vouée à votre réussite.

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