
Un crayon... il n'y a même pas ça ici. Quoi? Il faut aussi que je le dessine mon crayon? Non, trouvons quelqu'un. Cette porte, qu'est-ce qu'elle est loin... Allez, courage, on se lève, voilà... et mes habits? Une chemise qui ne ferme même pas derrière, et blanche encore! Décidément, il y a de quoi provoquer les obsessions ici. Et le porte-perfusion... Non mais ils croyaient vraiment que j'allais m'échapper pour m'avoir collé ce truc-là en plus?
Quoiqu'il pourrait bien me servir, avec tout ce blanc, je ne distingue même pas où je mets les pieds. Je pourrais marcher sur les murs que ça ne me choquerait pas. Il faut suivre la croix sur le sol du porte-truc à roulettes là... voilà, on suit la croix, jusqu'à la porte. On ouvre, on sort... et où ils courent tous? ils me donnent le tournis. Ah, enfin quelqu'un qui ne me passe pas devant.
-Je peux vous aider?
Oui, je cherche un crayon, vous en auriez un, par hasard?
-Un crayon? Vous ne voulez pas plutôt un médecin?
Non, je veux un crayon. Donnez-moi un crayon, ou alors vous ne m'êtes d'aucune utilité.
-Bon, ne vous fâchez pas, je vous amène ça tout de suite. (...) Tenez.
Merci.
-Depuis quand vous êtes là?
J'en sais rien, pas longtemps, je viens de me réveiller. Mais demandez à vos amis les blouses blanches. Tiens, encore du blanc. Vous aussi vous êtes blanche. Décidément, je me perds ici. Je ne sais même pas comment... ah si, ça je sais. Bon, j'ai à faire.
-Je vous envoie un médecin puisque vous êtes réveillée, c'est la procédure.
C'est ça. A plus. Allez, on suit la petite croix, on ferme bien la porte. Voilà, on est à la maison, et en plus on a un crayon! Un crayon, mais toujours le même problème, par quoi commencer? Et en plus, par où? Comme si une page blanche ne suffisait pas, en voilà quatre à remplir en même temps. Enfin, sur celle-là, il y a déjà une fenêtre de dessinée, alors ça n'en fait plus que trois.
Hé!!! Qu'est-ce que vous faites ici? Vous auriez pu frapper quand même? On ne vous a pas appris qu'on ne rentre pas chez les gens comme ça? Vous avez une blouse blanche, alors ça y est, vous croyez faire partie de mes meubles. Je vais arranger ça moi, vous verrez que vous n'allez pas m'être assorti bien longtemps.
-Bonjour.
Oui. C'est ça. Rattrapez-vous sur la politesse.
-J'ai frappé avant d'entrer, mais vous étiez en train de parler alors, vous ne m'avez pas entendu je pense.
Ne pense pas, ça te va si mal...
C'est quand que je pars?
-Il me semble que vous venez d'arriver.
Ca merci je sais, c'était pas ma question, je vous la refais peut-être?
-Je ne sais pas. Quand vous irez mieux.
Ah, parce que vous saurez quand j'irez mieux vous? Laissez-moi rire. Et elle? Elle est où? Elle m'envoie là pour se débarrasser de moi pour m'abandonner, c'est ça? Elle n'a pas le droit. Je veux la voir.
-C'est prévu.
Quand?
-Je dois la contacter après votre réveil.
Bon, vous avez vu que j'étais levée, je parle, je marche, tout va bien, partez maintenant.
-Il faut que je vous pose quelques questions, dès que l'infirmière sera là.
Ben voyons, c'est ça! invitez qui vous voulez! Faites comme chez vous! Je n'ai même pas le droit d'être tranquille dans ma chambre, il faut que vous l'envahissiez! Non. Allez l'attendre dehors votre infirmière, je ne veux pas de vous ici, j'ai autre chose à faire qu'à vous tenir compagnie. Et puis je n'ai pas envie de répondre à vos questions. Partez. J'ai à faire moi, moi et moi seule.
-Je ne peux pas vous laisser seule aujourd'hui, c'est le règlement. Dès que l'infirmière sera là, elle vous changera la perfusion, puis vous répondrez à nos questions.
Il y a un règlement au moins ici, pas comme chez elle où je ne sais jamais quels points je peux enfreindre. Ici, je vais commencer par celui-là.
Je ne répondrai pas à vos questions. Je ne parlerai qu'à elle. Sortez, j'en ai marre de vous voir.
-Bien, l'infirmière est là, je vais vous laisser seule avec elle. Je reviendrai quand vous serez prête à répondre.
C'est ça, passe cette porte avant que je t'y aide.
-Bonjour, on s'est vu tout à l'heure. Je m'appelle Christelle, c'est moi qui m'occuperez principalement de vous les prochains jours. Ca allait votre crayon?
...
-Bon, je vais vous changer la perfusion.
Christelle... une autre Chris... il manquait plus que ça. Les yeux bleus en plus... en temps normal, je tenterais bien, mais là... Qu'est-ce je raconte moi? En temps normal, je tenterais Rien plutôt, ma langue a fourché. Qu'est-ce qu'ils ont foutu dans cette perf?
-En tout cas, vous avez meilleure mine que quand je vous l'ai posée hier soir.
Hier soir! Comment ça hier soir? Quelle heure il est là?
-17h.
Et je suis arrivée...?
-Hier vers 18h.
Je ne comprends pas.
-Vous avez fait un malaise chez votre médecin, c'est elle qui nous a appelés. Elle a précisé que vous n'aviez pas mangé depuis 6 jours et que vous aviez peut-être un peu surdosé... Donc hier soir, je vous ai posé cette perfusion, en prévention avant que votre analyse ne révèle qu'elle avait raison. C'est cette perfusion qui vous a permis de vous lever avec moins de difficulté.
Je croyais encore être hier, juste après le rendez-vous. Je me suis un peu emportée là-bas, je pensais que c'était pour ça qu'elle m'avait envoyée ici, pour me calmer, ou me punir, au choix. Je ne me souviens pas être sortie de chez elle, et pourtant je suis ici. Je ne me rappelle de rien.
-Je suis passée contrôler votre état avant l'extinction hier, vous vous êtes réveillée à ce moment-là, juste le temps de me dire "Je veux partir, j'ai peur ici. Restez." alors je suis restée un moment. Vous vous êtes rendormie peu après.
Désolée, je ne m'en souviens pas.
Ca y est, tu commences à être désolée, c'est mauvais signe ça. Puis cette sensation qui reste après avoir forcé une bouteille de champagne... aïe aïe aïe... coupe tes ailes tout de suite ou ça n'ira pas du tout. D'ailleurs, CA ne va pas du tout, le reste suit à peu près mais CA dérape totalement. Arrête de te dire qu'elle a les mêmes yeux, regarde ta petite croix sur le sol... concentre-toi, pose-toi sur la croix et réfléchis, réfléchis... Elle va me trahir, c'est sûr. Je les connais. Pour peu que l'autre leur ait donné mon dossier... Borderline, ils savent comme traiter le cas. Ils te mettent entre les mains de deux ou trois personnes, pas plus, dont une en particulier en laquelle tu auras confiance. Sur scène, elle jouera son rôle à la perfection, et en coulisses avec ses camarades blouses blanches, tes paroles jetées en pâture... Elle dans le rôle de la confidente, l'autre là, avec ses "C'est le règlement." et "Vous répondrez à mes questions." incarnant l'autorité... C'est bon, ils ont déjà investi leurs personnages. Mais ils ne m'auront pas, je connais leur technique, j'ai déjà lu des rapports d'infirmières. Comme quoi autodidacte, des fois, ça aide.
Pardon? Je ne vous écoutais pas.
- Je peux avoir votre bras pour installer la nouvelle perfusion?
Non, tu n'auras pas mon bras, pas plus que ma confiance. C'est qu'elle n'attend pas ma permission en plus! Voilà, je te tiens. Tu auras plus de mal avec un seul bras.
Qu'est-ce qu'il y a dedans?
- C'est pour que vous puissiez vous reposer.
Hum... Je dois lui parler avant.
- Vous voulez que j'appelle le médecin?
Non, je veux parler à MON médecin.
- Il est prévu que vous la voyiez dans l'heure prochaine. Ecoutez, je dois vraiment vous placer cette perfusion mainte...
... donc ça ne ne vous coûtera rien d'attendre quelques minutes de plus.
Ne serre pas trop quand même...
- D'accord. Je vais voir avec le médecin ce que je peux faire.
C'est ça. Je te lache. Voilà, tu lui as dit deux mots, gentiment, et elle s'est crue en terrain conquis. Je sais peut-être manier les "non" depuis peu, mais ce n'est parce que j'ai appris tardivement et à mes dépends que je ne le fais pas habilement. On ne m'y reprendra plus, ni pour elle, ni pour les autres.
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